L’Égypte fut le premier pays au monde à construire des églises. Saint-Marc fut le fondateur de cette église. Il prêcha le christianisme en Égypte sous le règne du souverain romain Néron, au premier siècle de notre ère. Le Dr Manal Mahmoud Achour, spécialiste de l’archéologie islamique et copte, explique que le christianisme s’est répandu dans toute l’Égypte pendant un demi-siècle après l’arrivée de Marc à Alexandrie. Il est possible que la ville d’Alexandrie ait précédé le reste du monde dans la construction d’églises. C’est sa situation naturelle dans la civilisation en général. Si le mouvement des églises et des monastères a commencé en Égypte, au cours des Ve et VIe siècles après JC. La conquête islamique de l’Égypte en 21 de l’Hégire / 641 après JC a marqué une nouvelle ère. L’Église égyptienne s’est émancipée de l’injustice et de l’agression dont elle était victime. Les chrétiens jouirent d’une pleine liberté religieuse.
L’Église suspendue
Dans un endroit privilégié représentant l’esprit d’amour et d’unité entre les religions monothéistes au Caire, « l’église suspendue », le joyau des églises dans le monde, est située dans la région du Vieux-Caire, près de la mosquée Amr Ibn al-As, du temple « juif » d’Ibn Ezra, de l’église du martyr « Marcurius », connue sous le nom de « Abu Sifine», et de l’église de Saint-Mina.
Les sources historiques indiquent que l’église suspendue a été construite à la fin du IVe siècle et au début du Ve de notre ère, à l’endroit où la Sainte Famille se réfugia en Égypte. Certains historiens pensent que l’église fut construite à la place d’une Qlayah (Cellule d’ermite), où un ermite vivait dans une crypte rocheuse. De nombreux patriarches y furent enterrés aux XIe et XIIe siècles. Il y a encore des images et des icônes d’eux dans l’église. Les visiteurs allument des bougies en leur mémoire. Des procès de prêtres et d’évêques s’y sont déroulés.
« Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira ». Ces mots inscrits sur sa porte en bois répandent la sécurité et la tranquillité dans l’âme. Elle est l’une des plus belles églises du Moyen-Orient, se distinguant par ses belles décorations. L’art ottoman se manifeste sur les portes et les murs. Les versets sur les murs sont écrits en écriture coufique.
« L’église suspendue » est l’une des plus anciennes églises coptes. Elle fut le premier siège papal au Caire, au début utilisé officieusement par le seizième patriarche « Christolets » au VIIe siècle jusqu’au XIIIe siècle. Ensuite, le siège papal déménagea à l’Église Romaine des marins romains, à l’Église de la Vierge Marie dans le quartier Zuweila, au siège papal sur la rue Clot Bey, enfin au siège actuel du patriarcat de Saint-Marc à al-Abbassyah.
Le nom réel de l’église suspendue, selon le Dr Mohamed Hamza, professeur d’archéologie islamique et copte à l’Université du Caire, était « l’église orthodoxe de Sainte-Marie la Vierge et Sainte Demian. Elle fut appelée la Suspendue « Mou’allaqa » parce qu’elle est construite, à l’entrée sud, sur deux tours de la forteresse romaine « Babylone ». L’église est à environ 13 mètres au-dessus du sol.
Le Fort de Babylone
Au IIe siècle de notre ère, sur ordre de l’empereur Trajan (pendant l’occupation romaine de l’Égypte), la forteresse de Babylone a été construite. Il a ensuite été restauré, agrandi et renforcé par l’empereur romain « Arcadius » au IVe siècle après JC. Il utilisa des pierres prises dans les temples de l’Égypte ancienne, les complétant avec des briques rouges. Cependant, le fort est tombé en 641 après JC aux mains du commandant Amr Ibn al-As après un siège durant environ sept mois. Sa chute inaugura l’avènement de l’islam en Égypte.
La description de l’église
L’architecture copte s’est développée dans l’esprit de l’art égyptien antique, complétant ainsi un cercle d’art lié aussi bien à la civilisation égyptienne antique qu’à la civilisation grecque et romaine en Égypte. Par conséquent, « l’église suspendue » a été construite au style basilique. Le mot « basilique » est dérivé du mot grec signifiant « royaux » ou « royal ». Ce système fut connu en Égypte depuis plus de deux mille ans. Le temple du roi Khephren (de la quatrième dynastie dans l’Égypte ancienne) est construit exactement à ce style. Le bâtiment rectangulaire projeté fut pris par les anciens Égyptiens comme modèle de leurs temples pour correspondre au type de l’être humain complet « Dieu Ptah ». Devenus chrétiens, ils conservèrent ce style qui représentera désormais l’Homme parfait « le Seigneur Jésus-Christ ».
L’architecture basilique représente l’un des styles les plus anciens dans la planification de l’église chrétienne, se composant d’un bâtiment rectangulaire projeté dont l’entrée est située du côté ouest. Il a de l’intérieur trois portiques verticaux, dont le plus large est celui du milieu, plus haut que les deux portiques latéraux, séparés par deux rangées de colonnes. Après la nef, il y a l’endroit du « chœur » plus haut (Réservé aux diacres et chantres lors de la récitation de la messe). Au côté est, se trouve les structures avec des autels à l’intérieur, puis une rangée de marbre composée de quatre ou cinq marches en forme demi-circulaire surmonté du dôme sur lequel Jésus dessiné habituellement au-dessus du trône.
La seule église suspendue en Égypte n’ayant pas de dôme, car elle n’est pas construite directement sur le sol. Son toit est en forme de « navire ». Il se compose de voiles de bois (formes pyramidales) érigées sur des colonnes romaines. L’écrivain Jamal al-Ghitani décrit le toit de l’église comme ceci : « il incarne le symbolisme du passage, de la vie à l’éternité, du premier au dernier, de la naissance à la mort, de l’extinction à la renaissance. Nul néant. Nulle annihilation. Voilà la signification du mot « Qarèb » (Bateau), le bateau de passage, de la renaissance. »
L’église se compose de deux étages, a 3 ailes, un hall d’entrée, et une structure distribuée en 3 suites, qui sont de forme rectangulaire, relativement petite. Il se compose d’une nef principale et de deux petites ailes. Entre elles se trouvent huit colonnes à chaque côté. Entre la nef et l’aile nord se trouve une rangée de 3 colonnes avec de grands arcs pointés. Les colonnes séparant les ailes sont en marbre, à l’exception d’un du basalte noir. Aussi faut-il noter que certains chapiteaux des colonnes sont de style « corinthien » (Style gréco-romain).
Sur le côté Est de l’église, il y a trois structures : celle du milieu portant le nom de la « Vierge Marie », celle de droite portant le nom de Saint « Jean-Baptiste », et celle de gauche portant le nom de Sainte Marie Guerguis. Devant les structures se trouvent des voiles de bois, dont le plus important est le voile central en ébène incrusté d’ivoire transparent, datant du XIIe ou XIIIe siècle, et gravé de formes géométriques et de belles croix, surmonté d’icônes représentant Jésus sur un trône, et à sa droite la « Vierge Marie », l’ange « Gabriel » et Saint « Pierre ». À sa gauche se trouvent « Jean-Baptiste », l’archange Michel et Saint-Paul. Au sommet de l’autel à l’intérieur de ce temple se trouve un auvent en bois reposant sur quatre piliers, et derrière se trouve une plate-forme pour les prêtres.
La philosophie symbolique des escaliers
Le voyageur belge Jos van Gistel compare l’église suspendue à une maison. C’est pourquoi on l’appelle l’Église de « la Vierge » ou elle de « la Colonne », se référant au miracle de l’apparition de la Vierge, sur l’un des piliers. Le voyageur l’appelait aussi « Maria de l’escalier » car elle plus haute que le sol, et accessible par les escaliers constitués d’une trentaine de marches en pierre.
Élever une église sur plusieurs escaliers n’est pas une règle générale. Cependant, les plus grandes églises du Caire, y compris l’église suspendue, ont des entrées à élevées au moins trois du niveau de la rue. Ce principe architectural était connu dans de nombreuses civilisations anciennes, y compris la civilisation égyptienne, dans l’ancien temple « al-Kibch » (Le Bélier) de Bahnasia à Saqqarah, (à Gizeh). Il était également connu dans le temple du Parthénon à Athènes et d’autres temples antiques, selon le Centre de recherche et d’études historiques de la Faculté d’archéologie de l’Université du Caire.
Il ne suffit pas que l’église soit érigée dans un bel endroit, élevé, libre, et ouvert aux quatre vents. Elle doit être détachée de la vie quotidienne qui l’entoure. Et ce en la fondant sur une base solide. Il s’agit, en effet, de l’expression formelle abondante et de la puissance religieuse de l’Église : donner un sentiment d’intimité, loin de la rue, et se préparer spirituellement avant d’entrer dans le lieu de culte transcendant les bâtiments qui l’entourent. Et faire en sorte que ceux voient l’église ne sentent point que les grands immeubles l’étouffent. Le rez-de-chaussée peut être utilisé comme une salle polyvalente.
Les escaliers symbolisent le mouvement d’un état inférieur à un état supérieur, et un signe de croix les traverse. L’ascension indique une montée vers le ciel. Les escaliers en colimaçon indiquent le mouvement du soleil. Le mouvement de haut en bas des escaliers, représente le passage entre les forces du ciel et de la terre.
La Joconde copte
Les murs de l’église suspendue sont parsemés d’une collection unique « d’icônes coptes » comme témoin de l’histoire de l’ère chrétienne dans la région. Elles comptent environ 110 icônes. La plus ancienne remonte au VIIIe siècle après JC. Alors que la plus important est celle de la « Reine – Notre-Dame-la Vierge », connue sous le nom de « Mona Lisa », peinte par un artiste arménien. Elle représente la Vierge Marie, tenant Jésus-Christ, avec deux anges autour de sa couronne, et Jean-Baptiste en train de baiser son pied.
L’icône est unique car elle réunit simultanément Notre-Dame, le Christ et Jean-Baptiste. Il s’inspire des œuvres d’artistes italiens : Raffaele et Léonard de Vinci. Elle n’avait jamais peint dans l’art copte auparavant.
Le Fait que le regard de Notre-Dame se jette sur la chapelle de haut et un peu en bas, pas vers le Christ ou Jean-Baptiste. Cela suggère qu’elle bénit l’assemblée en les regardant. Ce regard lui a valu la renommée considérable ; il est similaire à l’idée de la Joconde, parce que quiconque la regarde de n’importe quelle direction aura l’impression que Notre-Dame le regarde.
Restauration de l’église
L’église suspendue fut rénovée plusieurs fois, à l’époque islamique. La première fois, sous le règne du califat de Haroun al-Rashid, lorsque le patriarche Saint-Marc a demandé au gouverneur la permission de renouveler l’église. La deuxième fois, c’était sous le règne d’al-Aziz Billah al-Fatimide, qui permit au patriarche Éphrem le Syriaque de rénover toutes les églises d’Égypte. La troisième fois à l’ère de « Al-Zahir pour la gloire de la religion d’Allah ».
La dernière restauration dont témoigne l’église suspendue a commencé en 1998, étant l’une des zones les plus touchées par le tremblement de terre en Égypte , l’année 1992. L’église devait ouvrir ses portes en 2010 en marge de la célébration du centenaire du Musée copte. Mais cette ouverture a été reportée pour avoir lieu en octobre 2014 après 16 ans de restauration, pour un coût de plus de 100 millions EGP. Le ministère égyptien des Antiquités a traité et entretenu l’église gardant son caractère archéologique et sans utiliser de substances nocives qui l’affectent à long terme. Des fresques (peintures murales) et des icônes ont également été restaurées ainsi que les effets de l’augmentation des nappes phréatiques.
Des fontaines coptes
On sait que la coutume de construire des fontaines est une coutume islamique, mais il semble que les chrétiens du XIXe siècle construisaient également des fontaines. D’un côté de « l’église suspendue », il y a une fontaine d’eau, sur laquelle se trouve un vieux panneau de marbre, dont une partie est écrite avec quelques phrases en langue copte, et d’autres en arabe, comme la phrase « Au nom de Dieu, le Compatissant, le Miséricordieux. [Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif. Mais celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif] L’Évangile selon Jean (chapitre 4:13-14). Cette fontaine a été prise en charge, en 1899, par Nakhléh Beck Joseph, le proviseur.
« L’eau dont l’homme n’aura jamais soif s’il en boit » est la bénédiction que reçoivent ceux qui font la charité. Le but de cette fontaine était d’abreuver les élèves de l’école copte orthodoxe voisine, ainsi que les passants et les fidèles priant dans l’église.