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Le Dialogue

Rois de l’Égypte ancienne: Un voyage de 3 000 ans : de Deir el-Bahri au musée de la Civilisation

CEMO Centre

Rois de l’Égypte ancienne: Un voyage de 3 000 ans : de Deir el-Bahri au musée de la Civilisation

Depuis 2900 ans, en 969 av. J.-C., le prêtre Binouzem II, le grand prêtre d’Amon à Thèbes (Louxor), mourut. Il s’était préparé un tombeau imprenable loin des mains des voleurs des tombes égyptiennes antiques. Comme nous le savons, l’ancienne tombe égyptienne est un trésor pour ceux qui la découvre. Le défunt est d’habitude, enterré avec tout ce qui lui appartient. Par conséquent, les prêtres eussent l’idée de protéger les corps de tous les rois, pas seulement le prêtre Binouzem II. C’est ainsi que commença le voyage des corps d’une cachette à l’autre. 

Les prêtres décidèrent de rassembler les corps des rois de l’Égypte ancienne, dans un seul caveau, celui de Binouzem II. Situé au sommet du temple d’Hatchepsout sur la rive ouest du Nil à Louxor, dans une région éloignée, il fut imprenable, c’est-à-dire hors de portée des voleurs de corps. Surtout qu’en 900 av. J.-C. l’Empire égyptien fut détérioré ; le crime d’exhumation des tombes royales se répandit énormément. Imaginez cette scène il y a 2 900 ans, où les prêtres se rassemblent et décident d’ouvrir, une par une, toutes les tombes des rois ; de déplacer les cercueils royaux dans un seul cimetière. C’est une scène funéraire qui a besoin d’un réalisateur génial et imaginatif comme Steven Spielberg pour le transposer à l’écran du cinéma. 

Le voyage ne fait que commencer. Les prêtres purent rassembler dans ce caveau une cinquantaine de cercueils, dont environ 13 rois et reines. En plus des cercueils de princes, princesses et prêtres. Il y eut des cercueils de corps non identifiés. La tombe fut, en effet, le gardien de secret jusqu’en 1871, lorsque les voleurs d’antiquités étaient actifs. Parmi eux se trouva une famille célèbre maîtrisant ce métier : 3 frères purent atteindre la tombe de Binouzem. Ils furent surpris de trouver devant eux 50 cercueils avec des insignes royaux. Bien qu’ils aient passé leur vie à voler des cercueils royaux, ils ne virent jamais plus d’un ou deux sarcophages. 

C’est là qu’ils commencèrent à exhumer tout ce à quoi ils pouvaient accéder, tels que des meubles funéraires, des rouleaux de papyrus, des ornements ou des affaires personnels. De cette manière, commença la vente de ces objets de collection à des marchands d’antiquités égyptiens ou étrangers. Ces artefacts ne tardèrent pas apparaître sur le marché européen. Un rouleau de papyrus de ces parvint à un antiquaire européen.

D’autre part, les autorités égyptiennes remarquèrent que les marchés d’antiquités en Europe, en particulier à Paris, se mirent à circuler des artefacts du trésor royal non enregistrés. Le phénomène l’incita à intensifier ses enquêtes et à déployer ses agents en Haute-Égypte pour tenter de dévoiler ce mystère.

Nous revenons ici à l’homme qui avait acheté le papyrus.  Il semble avoir été un papyrus d’un caractère spécial. Le marchand d’antiquités  commença subséquemment à retracer sa source, jusqu’à ce qu’il arrive en Égypte. Cette source est en effet représentée par les trois frères avec lesquels, il négocia pour lui montrer le cimetière. Il était prêt à leur donner tout l’argent qu’ils voulaient. Il sembla alors que le déférent était sur le point de divulguer le plan du vol. Après que les trois frères ont eu rejeté l’offre de l’Européen, il alla voir le gouverneur de Qanât et révéla leur secret.

Les autorités de sécurité perquisitionnèrent immédiatement le domicile des trois frères et arrêté l’aîné. Il fut pressé de reconnaître l’emplacement du cimetière. Une fois la crise de son emprisonnement passée, il retourna chez ses frères réclamant une plus grande part du produit de la vente des antiquités volées de la tombe. Ils refusèrent. Le désaccord régna entre eux. Le frère aînée alla, à son tour, voir le gouverneur de Qanât lui disant où se trouvait le cimetière. 

Le gouverneur du territoire lui-même reprit l’enquête. Il alla avec les archéologues au cimetière. Après des procédures successives, le deuxième voyage des rois installés dans leurs tombes recommença, à la tombe de Binouzem. Dans les 48 heures, les autorités entreprirent l’exhumation de tout ce qui se trouvait à l’intérieur du cimetière (  nommé cache de Deir el-Bahari ou caveau TT320), sous la supervision de Berkash Pacha, secrétaire adjoint de l’Autorité égyptienne des antiquités. Cela fut passé en 1881. 50 cercueils furent retirés, et « Berkesh Pacha » est l’égyptologue allemand Émile Charles Albert Brugsch.

En 1882, Émile et Maspero descendirent au cimetière. Ce fut un puits funéraire qui se termine par deux salles reliées par une longue crypte (environ 40 mètres). Sa superficie fut d’environ 70 mètres. Maspero  transféra les inscriptions sur les murs pour qu’elles soient traduites puis réétudiées en 1983. Parmi les sarcophages exhumés de la tombe se trouvaient celui de la reine Titi Sherri, de l’épouse royale Ahmosis Néfertari, de la reine Ahmosis Inhabi, de l’épouse royale Najmt, des rois Seqnen Ra Ta’a II, Ahmosis Ier, Amenhotep Ier et Thoutmôsis Ier. Le deuxième et le troisième, Ramsès Ier, le deuxième, le troisième et le neuvième, et Séthi Ier. 

D’autre part, en 1898, l’archéologue français Victor Laurier put découvrir une deuxième cache, de cercueils moins nombreux, d’environ 13. Ils furent conservés dans la tombe du roi Amentheb II, puis les cercueils des rois Amentheb II, III, Thoutmôsis IV, Mineptah, Sa Ptah, Ramsès IV, V, VI, Séthi II et la reine Ti.

Le regroupement des rois sembla achevé. En 1886, la collection, découverte par les voleurs, dans la cache de Deir el-Bahri, fut transférée au musée de Būlāq et les rouleaux de certaines momies furent démantelés par Gaston Maspero en présence du khédive Tawfiq, puis toutes les momies furent transférées à Būlāq. Après l’ouverture du musée égyptien à Tahrir en 1902, les momies royales y ont été transférées. C’était sous le règne du Khédive Abbas Hilmi II, puis les momies royales ont été transférées sur la tombe de Saad Pacha Zaghloul en 1931, sous le règne du roi Fouad I. En 1936, elles retournent au Musée égyptien de Tahrir et s’y installe. Ensuite, elles étaient exposées au deuxième étage jusqu’au 3 avril 2021.

2 900 ans après leur première inhumation au cimetière de Binouzem, la procession des rois et des reines est partie pour son dernier voyage, du musée Tahrir, transportant les corps de 18 rois et 4 reines (qui  régnèrent sur l’Égypte depuis des milliers d’années), dans une procession majestueuse dont le monde entier a parlé, afin de s’installer dans leur dernier abri: le Musée National de la Civilisation Égyptienne. Les corps ont été reçus par le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi lui-même, exprimant la vénération de l’État égyptien à nos ancêtres : artisans de sa civilisation et bâtisseurs de sa gloire éternelle.